Cash non déclaré, activités informelles, avoirs à l’étranger, déclarations rectificatives, chèques en bois, revenus locatifs. Jamais une loi de Finances n’a compté autant d’amnisties que celle de 2020. Objectif, rétablir la confiance et relancer la machine économique. Voici un résumé de ces dispositifs.
A travers ces dispositifs, le gouvernement adresse le message suivant pour rétablir la confiance : identifiez-vous au fisc, déclarez vos avoirs au Maroc et à l’étranger, rectifiez vos déclarations fiscales si vous en déposez déjà, régularisez vos chèques impayés, payez une contribution libératoire ou un surplus d’impôt et on tourne la page, on démarre un nouveau chapitre, basé sur la confiance, la transparence et le respect des droits de chacun.
Avec l’informatisation et l’échange des données, entre institutions au Maroc et même avec l’international, débusquer les adeptes de l’évasion fiscale devient facile pour l’administration. Mais celle-ci a préféré accorder en 2020 une dernière chance aux contribuables pour se conformer avant de durcir le contrôle. Elle cherche à élargir l’assiette et à rétablir l’équité fiscale pour pouvoir baisser la pression sur les contribuables qui paient le plus d’impôt, notamment les salariés et les entreprises structurées. Ce sont les recommandations des dernières Assises de la fiscalité.
Voici en résumé les différentes amnisties adoptées. Pour plus de détails, consultez le texte de la loi de Finances 2020 publiée au Bulletin officiel.
Amnistie sur le cash et les avoirs non déclarés au Maroc
La première amnistie qui retient l’attention est appelée : régularisation volontaire de la situation fiscale du contribuable.
Elle concerne les physiques qui ont leur résidence fiscale au Maroc et qui ont des bénéfices ou des revenus issus de l’exercice d’une activité professionnelle ou agricole non déclarée avant le 1er janvier 2020.
Toute personne ayant des disponibilités non déclarées (en cash ou en banque), des valeurs mobilières ou un patrimoine immobilier acquis par ces disponibilités, ou des comptes courants d’associés et des prêts accordés aux tiers, devra les déposer (auprès d’une banque pour les liquidités) ou les déclarer (à l’administration fiscale pour les autres catégories d’avoirs) et payer une contribution libératoire égale à 5% de la valeur de ces avoirs.
Cette régularisation sera possible entre le 1er janvier et le 30 juin 2020. Ce délai peut être prorogé par le gouvernement d’une durée de 2 mois renouvelable 1 fois, soit au plus tard jusqu’à fin octobre 2020.
Après leur dépôt ou déclaration, toutes les dépenses personnelles effectuées à partir de ces avoirs ne seront pas pris en compte dans l’examen de la situation fiscale globale du contribuable en cas de contrôle au titre de l’impôt sur le revenu portant sur les exercices 2020 et ultérieurs.
Amnistie pour les opérateurs de l’informel qui s’identifient pour la première au fisc
C’est une mesure déjà prise par le passé (introduite en 2011 et reconduite jusqu’à 2016). Elle concerne l’article 247-XVIII du CGI et vient renforcer l’amnistie expliquée ci-dessus.
Elle consiste à imposer les contribuables qui s’identifient pour la 1ère fois auprès de l’Administration fiscale à partir du 1er janvier 2020, sur la seule base des revenus acquis et opérations réalisées à compter de cette date. L’identification doit avoir lieu d’ici le 31 décembre 2020.
Autrement dit, on oublie l’avant 2020. Seuls les stocks éventuels, pour les contribuables soumis au régime du résultat net réel ou simplifiés, seront évalués et taxés en retenant une marge brute d’au moins 20%.
Déclarations fiscales rectificatives
La loi de Finances 2020 élargit la déclaration rectificative volontaire aux contribuables de tous les secteurs d’activité, dans le cadre de l’article 247 du Code Général des impôts.
C’est une mesure transitoire valable jusqu’au 30 septembre 2020 et qui concerne l’IS, l’IR professionnel (résultat net réel ou simplifié) et la TVA des exercices 2016, 2017 et 2018.
Tout contribuable qui souscrit volontairement cette déclaration et s’acquitte spontanément du surplus d’impôt (en deux tranches égales payables entre septembre et novembre 2020), bénéficiera de :
– L’annulation d’office des majorations, amendes et pénalités.
La dispense du contrôle fiscal au titre des exercices couverts par la déclaration.
Pour bénéficier de cette mesure, il faut demander à la DGI la liste des irrégularités relevées dans les anciennes déclarations fiscales et se faire assister par un expert-comptable ou par un comptable agréé pour produire une note explicative des rectifications apportées dans la nouvelle déclaration.
Les contribuables faisant l’objet d’une procédure de contrôle ne peuvent pas bénéficier de cette mesure.
L’amnistie des changes
C’est une duplication totale de l’opération de 2014. Les avoirs et liquidités détenus à l’étranger, constitués avant le 30 septembre 2019 et déclarés entre le 1er janvier et le 31 octobre 2020, se verront appliquer les taux suivants :
– 10% de la valeur d’acquisition des biens immeubles et de la valeur de souscription ou d’acquisition des actifs financiers et des valeurs mobilières et autres titres de capital ou de créances détenus à l’étranger,
– 5% du montant des avoirs liquides en devises rapatriées au Maroc et déposées dans des comptes en devises ou en dirhams convertibles,
– 2% des liquidités en devises rapatriées au Maroc et cédées sur le marché des changes contre le dirham.
Pour bénéficier de cette amnistie, il faut, outre le paiement de la contribution libératoire et le dépôt d’une déclaration auprès d’une banque, céder au moins 25% des liquidités en devises sur le marché des changes.
Le paiement de la contribution libère les personnes concernées du paiement des pénalités relatives à la réglementation des changes, de l’IR ou de l’IS ainsi que les amendes et majorations y afférentes. Ces personnes ne feront en plus l’objet d’aucune poursuite administrative ou judiciaire.
Amendes pécuniaires sur les chèques en bois
La loi de Finances 2020 instaure une contribution libératoire au titre des amendes pécuniaires relatives aux incidents de paiement, quels que soient leurs classements, et qui n’ont pas été régularisées, concernant les chèques présentés au paiement au maximum à la date du 31 décembre 2019.
Le taux de la contribution libératoire est fixé à 1,5% du montant du chèque ou des chèques faisant l’objet d’un incident de paiement, à condition que la contribution soit payée à la TGR durant l’année 2020
Le plafond de la contribution est établi à un maximum de 10.000 DH pour les personnes physiques et 50.000 DH pour les personnes morales et ce, peu importe le nombre d’incidents non régularisés.
Le paiement de la contribution a pour effet de dispenser les personnes concernées du paiement des amendes pécuniaires liées aux incidents de paiement pour régulariser leur situation.
Pour rappel, l’amende que le titulaire du compte doit payer pour recouvrer la faculté d’émettre des chèques est fixée à :
– 5% du montant du ou des chèques impayés faisant l’objet de la première injonction prévue à l’article 313 du code de commerce;
– 10% du montant du ou des chèques faisant l’objet de la deuxième injonction ;
– 20% du montant du ou des chèques faisant l’objet de la troisième injonction et des injonctions suivantes.
Amnistie sur les revenus fonciers
Les titulaires de revenus fonciers n’ayant pas souscrit leur déclaration annuelle du revenu global afférente auxdits revenus, au titre des années antérieures non prescrites, peuvent bénéficier de la dispense du paiement de l’impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers et de l’annulation d’office des majorations, amendes et pénalités prévues par le présent code.
Ils doivent pour cela déposer avant le 1er juillet 2020, une déclaration et de verser spontanément, en même temps, une contribution égale à 10% du montant brut des revenus fonciers se rapportant à l’année 2018.
Source: Media24