Selon les données diffusées par Inforisk, 8.088 entreprises ont dû mettre la clé sous la porte au cours de l’année 2017. Parmi elles, 90 % se sont déclarées en liquidation, contre 10 % qui ont été victimes d’un redressement judiciaire.
Ce chiffre, en augmentation de 8,5 % par rapport à 2016 – malgré un léger fléchissement de la tendance haussière – porte le nombre de ces défaillances au triple de ce qu’il était 8 ans plus tôt (2.462 en 2009, comme le montre l’un des graphiques suivants).
Malgré les déboires médiatisés de quelques grands groupes, comme la SAMIR, l’écrasante majorité des entités affectées sont de très petites (96 %) et moyennes (3,2 %) entreprises (TPE/PME). Un rapide calcul permet d’évaluer le nombre d’emplois détruits à plus de 40.000. Les secteurs les plus concernés sont le commerce, le BTP(bâtiment et travaux publics) et l’immobilier.
« Ces statistiques sont inférieures à la réalité », réagit Abdellah El Fergui. Le président de la Confédération marocaine des TPE-PME – un syndicat qui revendique plus de 8.000 adhérents – estime le total de dépôts de bilan à plus de 10.000. « Les entrepreneurs ont honte d’avouer leur échec, ou bien ne se déclarent pas pour pouvoir continuer à exercer dans l’informel », explique-t-il. Contactés, plusieurs petits patrons ont effectivement eu peur de témoigner, même anonymement.
Pour remédier au problème des défauts de paiement, à l’origine de 40 % des banqueroutes, la Confédération propose d’obtenir des exonérations temporaires auprès de la Direction générale des impôts (DGI) et de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Elle réclame également le relèvement des plafonds de microcrédits de 50.000 à 100.000 , voire 150.000 dirhams, ainsi que la création d’une banque publique pour faciliter le financement de ces petites structures qui représentent « 98 % » des entreprises marocaines.
« Malheureusement, nos suggestions n’ont pas été retenues dans le projet de loi de finances 2018. Nous avons été reçus en juillet et en octobre par le chef du gouvernement, sans succès. Quant à notre ministre de tutelle, à chaque fois que nous avons voulu le rencontrer, il était trop occupé par la mise en oeuvre de sa stratégie d’accélération industrielle. Celle-ci profite aux grandes multinationales, mais pas à nous, puisqu’elles viennent avec leurs sous-traitants. Je ne suis pas contre la macroéconomie, mais il ne faut pas négliger la micro, qui crée la richesse et emploie les populations les plus fragilisées », considère Abdellah El Fergui.
Pour la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les délais de paiement sont particulièrement difficiles à supporter pour les « petits » acteurs de l’économie nationale. Déjà très longs dans le BTP (330 jours), le commerce (315) et l’immobilier (294), les décalages entre la date d’émission de la facture et son règlement effectif se sont encore accrus entre la fin 2016 et le début 2017 – en raison notamment du blocage gouvernemental, qui s’est répercuté sur les commandes étatiques.
D’après Soumia Alami Ouali, présidente de la commission PME/TPE à la CGEM, le manque d’accompagnement est aussi à blâmer. Selon elle, il n’est pas anodin que la moitié des sociétés défaillantes aient moins de cinq ans – un tiers affichent entre cinq et dix années d’existence, 14 % entre dix et vingt, et seulement 4 % dépassent les vingt ans. Dans la redéfinition de leur rôle, les Centres régionaux d’investissement (CRI) pourraient donc prêter davantage attention au suivi et au conseil des petits investisseurs qui se lancent.
« C’est un travail de longue haleine, mais qui peut marcher », déclare Soumia Alami Ouali, positive. Celle qui est également directrice PME à la Banque populaire en veut pour preuve le partenariat signé entre l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce automobile (AMICA) et la Fédération française des industries pour équipementiers automobiles (FIEV), afin d’opérer un transfert de compétences et de privilégier à terme les petits partenaires locaux. « Pour une PME, investir est un choix engageant, mais nécessaire. La concurrence entre les banques est telle qu’aujourd’hui, si le dossier se tient, il n’y a plus de problème d’accès au crédit. Le principal souci, c’est que les petites entreprises marocaines n’osent pas prendre de risques. Au bout d’un moment, elles ne peuvent plus croître et vont inévitablement s’enfoncer. C’est toute cette culture que nous avons à faire évoluer« , conclut-elle.